Le bilan de la politique éducative Blanquer/Macron ou celui d’une destruction
Nous sommes au mois d’avril 2022, à quelques jours du second tour de l’élection présidentielle. Il est difficile de penser au prochain mandat sans faire le bilan du président candidat Macron et de son ministre de l’Éducation Nationale Blanquer : le dédoublement des classes de la GS au CE1 en éducation prioritaire qui a été la caution « sociale » du gouvernement, la reforme de la voie pro, le nouveau bac général et techno…
Pour les enseignant⋅es des 1er et 2ᵈ degrés le bilan est catastrophique car nous n’avons jamais été écouté⋅es et nous avons surtout été méprisé⋅es.
La réforme de la voie pro et la promotion de l’apprentissage
En réduisant drastiquement les heures en enseignement général pour les élèves de bac pro et de CAP, la réforme de la voie pro a été emblématique de la politique de Macron en matière éducative. Alors que l’École devrait être selon nous un lieu d’épanouissement et d’émancipation des jeunes, elle est pour Macron un outil visant à les trier pour les adapter au mieux aux exigences du marché du travail. L’enseignement général en voie pro est donc réduit à la portion congrue, schématiquement pour que les futures salariées sachent lire une notice. La mise en place des familles de métier a de plus créé un nouveau palier d’orientation subie.
Parallèlement, pour affaiblir encore le lycée pro et pour fournir au patronat une main d’œuvre bon marché, le gouvernement a favorisé l’apprentissage en développant des aides publiques aux entreprises, en fermant des formations sous statut scolaire ou en permettant la mixité des publics élèves – apprenti⋅es dans les classes. D’après son programme, Macron souhaite aller encore plus loin dans l’apprentissage et dans la place des entreprises à l’école en allongeant les périodes de formation en milieu professionnel.
La réforme du lycée GT et du bac
L’organisation des enseignements a été modifiée en profondeur par cette reforme : spécialisation précoce, disparition des mathématiques du tronc commun, partage de certaines spés entre plusieurs disciplines, éclatement du groupe classe, etc. En ce qui concerne les mathématiques, il serait question qu’elles réapparaissent dans le tronc commun des la rentrée 2022. Si cette annonce électoraliste de Macron est appliquée, elle sera financée en HSA et en faisant appel à des contractuel⋅les, alors que des centaines n’ont pas été renouvelées l’an dernier. Il reste que les chiffres sont têtus : « Il y avait 90 % des élèves de terminale qui avaient un enseignement en mathématiques avant sa réforme. On est tombé à 59 %. » Cela a eu de plus un impact sur l’orientation dans les filières scientifiques pour les filles. Quand on sait que l’égalité femmes hommes était une grande cause du quinquennat, on ne peut que rire jaune !
La reforme du bac a, elle, fait passer 40 % de l’évaluation en contrôle continu intégral, cassant le caractère national du bac et donnant une importance démesurée aux deux enseignements de spécialité maintenus en terminale. Le fiasco des E3C a été bien organisé pour aboutir à ce qui était la volonté initiale du gouvernement. Les sources d’inégalités entre les élèves ont explosé et les rapports entre les élèves et les enseignant⋅es, devenues certificateur⋅trices permanent⋅es, ont été profondément bouleversés.
Mise au pas dans le 1er degré
Pendant 5 ans, Blanquer a répété à l’envi que le 1er degré était la priorité du gouvernement. Il a pleinement utilisé sa mesure de dédoublement des classes de CP et CE1 en REPS/REPS+ pour démontrer cette assertion. Ce dispositif a pourtant été financé en partie en prenant sur les autres classes.
La priorité a surtout été de restreindre la liberté pédagogique et de renforcer les hiérarchies intermédiaires. On l’a vu avec le recentrage sur les « fondamentaux », via notamment le plan de formation français et maths, ou encore avec les diverses tentatives de faire des directeur trices des supérieur es hiérarchiques. Un temps abandonné à la suite des mobilisations contre la loi Blanquer, cette mesure a été partiellement réalisée à travers la loi Rilhac. L’expérimentation menée à Marseille va bien plus loin en étendant largement les prérogatives des directions d’école, y compris un pouvoir dans les affectations des personnels.
Il n’a jamais été question en revanche de s’attaquer aux graves problèmes que connaît l’école comme, par exemple, les manques flagrants en termes de remplacements, avec les incitations plus ou moins officielles faites aux parents de garder leurs enfants en cas d’absence.
Et bien d’autres choses…
La politique de Macron en matière éducative a fait de nombreux autres dégâts en seulement 5 ans. On pense notamment à la mise en place des PIAL qui a considérablement dégradé les conditions de travail des AESH et a fortement fragilisé l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Malgré la lutte des AESH organisée à de nombreux endroits, le gouvernement n’a rien cédé à ces personnels précaires.
On pense aussi à la création de Parcoursup pour les élèves de Terminale qui a aggravé la sélection dans les formations du supérieur. Des élèves se retrouvent sans aucune proposition d’orientation et de plus en plus de familles sont prêtes à payer des écoles privées pour être sûres de voir leur enfant avoir une formation pour le mois de septembre suivant, voire à faire appel à des conseiller⋅es Parcoursup privé⋅es. Citons encore, parmi d’autres attaques, les remises en cause de l’éducation prioritaire, les plans d’évaluation des écoles et établissements ou la réforme de la formation initiale des enseignant⋅es.
Outre ces bouleversements profonds, il restera de ce mandat le sentiment d’avoir été méprisé es de bout en bout. Les ordres et contre ordres se sont succédés par voie de presse. Les suppressions de postes ont été nombreuses chaque année, en particulier dans le 2nd degré. Loués dans les médias par le ministre, les personnels n’ont jamais vu leurs salaires augmenter, mises à part quelques primes pour une partie seulement des agents. L’augmentation indiciaire que nous réclamons avec force, lorsqu’elle est envisagée, est toujours associée à une augmentation de la charge de travail.
En 2019, quand Blanquer a dévoilé sa loi pour une école de la confiance, on scandait en manifestation « la confiance cela se gagne, cela ne se décrète pas ! » On pourrait dire exactement cela en 2022. On pourrait même parler d’un sentiment de défiance.
Amal Navailh (J. Prévert, Boulogne-Billancourt)