Difficultés scolaires et handicap

Difficultés scolaires et handicap

La loi de février 2005 sur le « handicap » a permis de nombreuses avancées pour la prise en compte des élèves en situation de handicap. Si l’on peut s’en réjouir sous certains aspects, il faut cependant rester vigilant·es car sous couvert d’inclusion, le ministère et le gouvernement en ont profité pour libéraliser et « marchandiser » le champ du handicap et les prises en charge. La généralisation de l’inclusion scolaire permet aux politiques de mettre davantage en concurrence les structures, les élèves, les personnels, d’externaliser et libéraliser les prises en charge, mais aussi de développer la culpabilisation des individus (élèves-familles étant renvoyé·es à leur propre échec et/ou personnels accusé·es de ce même échec). Tout ceci est fait bien évidemment pour que l’État se désengage, ne prenne pas ses responsabilités quant à la véritable prise en charge institutionnelle.

Amalgame, destruction, poudre aux yeux

Alors que le défi de permettre à TOU·TES les enfants d’être scolarisé·es dans de bonnes conditions en milieu ordinaire est immense et fondamental, les gouvernements successifs rivalisent de médiocrité pour y faire face. Quitte à modifier les règles du jeu et les objectifs au détriment de ces élèves et des pratiques professionnelles des personnels. Pire, on assiste depuis plusieurs années à de nombreuses dérives et amalgames qui, loin de servir les intérêts de l’ensemble des élèves, déstabilisent le système éducatif sans apporter les solutions indispensables à « l’inclusion » des élèves.

S’il semble évident qu’un·e élève en situation de handicap n’est pas a priori en difficulté scolaire, qu’un·e élève à besoin éducatif particulier n’est pas nécessairement « perturbateur » ou que les difficultés scolaires sont multiples, inhérentes au processus d’apprentissage et peuvent concerner tous les enfants, les pseudo-dispositifs imposés et les réponses institutionnelles de ces dernières années contribuent pourtant à renforcer l’École du tri. Elles ancrent aussi l’amalgame entre difficultés scolaires et situation de handicap. Cette « confusion » voulue par l’administration a immanquablement des conséquences néfastes sur les prises en charge des élèves et les éloigne de remédiations adaptées auxquelles ils·elles ont le droit.

En médicalisant les difficultés scolaires, l’institution nie la place et le poids des facteurs sociaux et affectifs dans les apprentissages et détourne l’objectif initial des RASED. En les vidant de leurs personnels, en renvoyant le traitement des difficultés scolaires aux seul·es enseignant·es des classes et en assignant les personnels spécialisés à d’autres missions (plus administratives, de formation et de conseil), le ministère planifie ainsi la disparition des RASED et assèche les accompagnements spécialisés nécessaires à la réussite des élèves.

1er degre oblique

Pour mémoire, cette disparition des RASED a été programmée il y a 10 ans avec l’instauration des Activités Pédagogiques Complémentaires (APC) visant à intégrer la prise en charge des difficultés scolaires dans les obligations de service des personnels non-spécialisés. En pratiquant de la sorte, les « mauvais élèves » sont alors « casé·es » en dehors des horaires « ordinaires » de l’école. Ce « rab » d’école est une triste façon de leur rappeler leurs échecs et ainsi de les maintenir dans une situation d’élèves « à part »… Quant aux dispositifs d’aide aux devoirs-renforcement-« rattrapage » (SRAN), ils n’ont pas davantage prouvé leur efficacité et les collègues s’inscrivant dans ces démarches le font principalement sur des motivations d’ordre plus économique que pédagogique.

Le détournement de fonction et d’objectifs touche également d’autres structures spécialisées de l’Éducation nationale. Ainsi, les IME et ITEP deviennent eux aussi des dispositifs (DIME, DITEP) gérés à coup d’injonctions conjointes des autorités de Santé et de l’Éducation nationale. La règle assumée par notre administration est désormais claire : ces structures coûteuses doivent disparaitre pour construire une « grande École inclusive » accueillant tout le monde. Pour y parvenir, les élèves doivent quitter ces instituts et être inclus·es en milieu ordinaire, et ce sans moyens supplémentaires. Cette « inclusion » forcée est souvent douloureuse pour les élèves qui ne bénéficient plus de prises en charge ni d’accompagnement aussi individualisé qu’en structures. D’autre part, les professionnel·les du secteur deviennent alors de simples personnes ressources (sans y être particulièrement formé·es) qui bricolent des projets ne répondant pas aux besoins des élèves.

Pour faire face à une politique d’inclusion à grande échelle, le ministère a fait le pari d’embaucher massivement des AESH pour accompagner les élèves en situation de handicap… Aujourd’hui, ces personnels précaires sont au nombre de 130 000. Si la grande majorité a un niveau bac à bac +4, ils et elles ont développé des compétences spécifiques (souvent de façon autodidacte) à ce métier exigeant. Malheureusement sans statut, sans salaire décent, sans conditions de travail acceptables ni de formation à la hauteur des enjeux, ces personnels ne peuvent remplir efficacement les missions en direction des élèves qui leur sont confié·es. Quand ces personnels ne renoncent pas, ils se voient obligés de partager les temps de prise en charge entre plusieurs élèves ou sont obligés d’intervenir au pied levé auprès de nouveaux·elles élèves (et donc d’adapter leur aide sans préparation).

Pour la CGT Éduc’action, la situation et les faits avérés attestent d’une volonté affirmée de la part du ministère de faire exploser le cadre du traitement des difficultés scolaires, mais aussi celui du handicap. En amplifiant l’amalgame entre les deux, en détournant le rôle des enseignant·es spécialisé·es, en vidant également les formations amenant à la spécialisation, en vidant les structures et dispositifs de leurs moyens, en exigeant des enseignant·es non spécialisé·es des remédiations pour lesquelles ils·elles ne sont pas formé·es, en ne mettant pas les moyens pour créer un véritable statut d’accompagnant·es, il est évident que la politique gouvernementale d’inclusion n’est qu’un leurre au détriment d’élèves qui en ont particulièrement besoin. Pour le gouvernement, Il n’existe qu’une réalité : réduire les coûts de cet accompagnement qui représente beaucoup au regard du nombre d’élèves concerné·es et faire peser tout cela sur les épaules des enseignant·es et AESH non formé·es à qui l’on demande toujours plus sans leur en donner les moyens (formation, temps de concertation, effectifs réduits, personnel accompagnant et aide pluridisciplinaire, revalorisation salariale…).

Une autre politique est indispensable

Pour la CGT Éduc’action, il y a urgence à écouter les enseignant·es, redonner du sens à nos métiers et faire de l’École un lieu d’émancipation pour toutes et tous ! Il y a urgence à porter une autre politique d’accompagnement des élèves en difficultés ou en situation de handicap. L’École, en tant que construction sociale, doit prendre en compte la réalité sociale des élèves faite d’échecs et de difficultés. Nous insistons sur le fait que les difficultés scolaires ne relèvent pas pour l’essentiel du handicap et doivent être prises en charge par la pédagogie et non par la médecine.

Dans ces conditions, nous revendiquons une réduction importante du nombre d’élèves par classe, la création d’Équipes de Prévention et d’Aide (EPA-ex RASED) complètes et rattachées à chaque école, composées de maîtres·ses d’adaptation, de rééducateur·trices et de psychologues scolaires chargé·es de la prévention des difficultés en lien avec les équipes pédagogiques. Pour chaque élève en situation de handicap doit correspondre une prise en charge par des personnels qualifiés et une scolarisation effective permettant son épanouissement et développement.

Les chantiers sont nombreux et importants, mais les enjeux pour les élèves et les personnels sont de taille. À nous de porter ces revendications.

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