L’apprentissage, mythes et réalités

L’apprentissage mythes et réalités

1 milliard d’euros pour l’apprentissage…Rien pour les Lycées Professionnels !

En recevant les organisations syndicales, le jeudi 4 juin 2020, Emmanuel Macron a annoncé dé-bloquer plus d’un milliard d’euros pour l’apprentissage. En plus des importantes aides déjà exis-tantes de l’État et des Régions, ce seraient 5000 euros supplémentaires pour une entreprise qui engage un mineur. Cette aide serait sans condition pour les entreprises de moins de 250 sala-rié·es, et avec obligation pour les autres d’atteindre 5% d’alternant·es dans leurs effectifs à l’échéance de la mesure. Les entreprises de moins de 250 salarié·es recevaient déjà 4125 € par embauche. Selon l’entourage de l’ex ministre du Travail, Muriel Pénicaud avec cette mesure, un·e apprenti·e de moins de 20 ans ne coûtera rien à l’employeur.

La crise sanitaire a montré la différence de statut entre les lycéen·nes qui sont élèves et les ap-prenti·es qui sont salarié·es. Pendant la période du confinement, alors que la totalité des ly-céen·nes étaient chez eux·elles, certain·es apprenti·es étaient contraint·es d’être au travail dans leur entreprise de “formation”. Les apprenti·es ne sont pas des salarié·es comme les autres. Elles et ils sont dans un cursus de formation professionnelle initiale visant à leur faire acquérir une qualification. Cette crise montre que le statut le plus protecteur pour la formation des jeunes reste bien celui d’élève dans le cadre d’une scolarisation obligatoire de 3 à 18 ans.

Plutôt qu’un énième plan de relance de l’apprentissage, la CGT Éduc’action revendique un plan d’urgence pour la voie professionnelle : des moyens pour accueillir tou·tes les jeunes, améliorer les conditions de travail et permettre la réussite des élèves.

Une « revalorisation » cheval de Troie de l’apprentissage !

La « revalorisation de la voie professionnelle » annoncée par Blanquer, toutes et tous peuvent d’ores et déjà faire le constat alarmant, il s’agit d’une insupportable dévalorisation de la voie pro-fessionnelle scolaire : baisse des volumes horaires, déspécialisation des formations et déconsi-dération des enseignements généraux, largement réduits à une conception utilitariste… L’allège-ment des grilles horaires, notamment en enseignement général, va rendre les poursuites d’études en BTS plus difficiles et appauvrir la culture générale. L’insertion professionnelle à l’is-sue de la scolarité ne sera pas davantage garantie. Dans son dossier de presse, le ministre l’affirme « les élèves formés par apprentissage bénéficient d’une insertion professionnelle plus ra-pide ». Il veut ouvrir de l’apprentissage dans tous les lycées professionnels, développer le mixage des publics entre élèves et apprenti·es, le mixage des parcours entre voie scolaire et apprentissage, pour faire de la voie professionnelle un « parcours d’excellence et de réussite ».

Derrière cette attaque contre les lycées professionnels et le service public d’Éducation, ce sont aussi les qualifications et les diplômes, leurs contenus et leur contrôle par l’État qui sont remis en cause et renvoyés aux seules organisations patronales. Il s’agit avant tout d’organiser l’enseigne-ment professionnel pour le mettre exclusivement sous la coupe des branches patronales et au service de l’apprentissage. Pourtant, dans la réalité, l’apprentissage n’est pas plus efficace que la voie scolaire, l’apprentissage coûte plus cher.

C’est donc bien un choix idéologique, la volonté de donner les pleins pouvoirs au patronat sur la formation professionnelle qui guide cette marche forcée vers le tout apprentissage !

La voie scolaire : l’exigence de la réussite pour tou·tes !

L’apprentissage est souvent présenté comme la solution miracle pour les élèves en difficulté. Il y a un a priori idéologique selon lequel le monde de l’entreprise réussirait là où l’école échoue.

¤ 1 apprenti·e sur 5 ne termine pas sa formation !

L’apprentissage n’est pas un meilleur mode de formation que la voie scolaire. L’apprentissage coûte plus cher, est discriminatoire. Développer l’apprentissage, c’est augmenter les inégalités sociales ! 1 apprenti·e sur 5 ne termine pas sa formation ! 29 % des contrats d’apprentissage de la campagne 2015-2016 ont été rompus avant leur terme, notamment pour les contrats compris entre 13 et 24 mois qui sont les plus nombreux. Ce taux de rupture peut atteindre plus de 40% dans les filières du bâtiment et de l’hôtellerie. Ces ruptures sont plus importantes dans le niveau 3 et 4. Selon une étude de CGPME Paris Île-de-France de 2014, 35% des apprenti·es décident de mettre un terme à leur contrat à cause de leurs conditions de travail. Ceci recouvre des conditions de travail non formatrices (7 %), une inadéquation avec la formation suivie (6%), des exigences de productivité non supportées (5%), et le ressenti d’un non-respect de la personne dans son travail (8%). Les horaires excessifs ou inadaptés (4 %) et l’insatisfaction relative à la rémunération (5 %). Rien d’étonnant car 13% des entreprises déclarent accueillir des apprenti·es comme un supplément de personnel et 6% pour les avantages financiers du dispositif. Certaines entreprises utilisent aussi la période d’essai pour sélectionner les apprenti·es.

¤ Une voie discriminatoire reproduisant les inégalités du marché du travail

Le sociologue Gilles Moreau fait le constat que « (…) l’apprentissage accueille toujours aussi peu de filles (30 %) et très peu d’enfants issus de l’immigration. Du coup, c’est le lycée professionnel qui se trouve en charge de former ces deux populations dont on sait combien l’insertion professionnelle est plus difficile.». Les discriminations à l’embauche se retrouvent à l’entrée en apprentissage. Les écarts de salaires entre femmes et hommes peuvent atteindre 13% pour les moins de 18 ans.